Mobiliser son équipe : la Stratégie des alliés
Rédigé par Albus Conseil, C. Grodner
le 18 Avril 2018
dans Faire adhérer et mobiliser son équipe
La stratégie des alliés est le corollaire naturel et quasi automatique de la sociodynamique. Cette dernière permet l'analyse et la modélisation de la situation (via la carte des partenaires).
La stratégie des alliés répond aux questions : “Comment faire évoluer ma carte des partenaires ?” “ Comment agrandir le collectif de mes alliés ?”
Que dit-elle ?
Comme toutes les stratégies managériales, elle propose une allocation optimale du temps de management pour arriver au résultat attendu le plus vite possible.
Ici, nous partons donc d'un constat sociodynamique : un certain nombre d'alliés, d'hésitants, de passifs et d'opposants.
La stratégie des alliés propose d'allouer le maximum de temps à ses alliés :
- parce qu'il sera directement payant en actions et donc en résultats,
- parce que les alliés sont crédibles pour attirer les hésitants.
12 Hommes en colère (Sydney Lumet – 1957), c'est 1h30 de stratégie des alliés magistrale, exécutée avec brio par le juré n°8 (Henry Fonda). Un modèle.
En quelques lignes, qu'est-ce que la stratégie des alliés ?
- On fait en sorte que les alliés réussissent des actions importantes, dont ils seront fiers, et qui apporteront un bénéfice au collectif. C'est le Management par l'animation.
- Bien évidemment, on met des hésitants et des passifs au contact des alliés en les associant à l'action, mais en préservant leur liberté. C'est le Management par la transaction / la négociation
- On se soucie de l'information des passifs, pour qu'ils ne perdent pas le lien avec nous.
- On écoute les opposants, mais on ne cherche ni à les convaincre, ni à les contraindre. C'est le Management directif
Il faut se dire une chose primordiale :
Alliés, opposants, hésitants, passifs ne sont pas des jugements de valeur. Nous sommes tous opposants par moments et alliés à d'autres. La stratégie des alliés respecte ces choix et propose de donner de la valeur à ceux qui à l'instant T ont choisi l'alliance.
Dès lors, la “rémunération” de l'allié est de faire des choses intéressantes, voire passionnantes, qui le développent et pourquoi pas qui le rendent fier. Aussi, être allié n'est pas un privilège mais plutôt une charge. C'est difficile, mais payant, valorisant.
Nous pensons que la stratégie des alliés est incontournable, dans tous les cas de figure.
Frodon dans Le Seigneur des Anneaux (J.R.R. Tolkien – 1954) est l'allié type : courageux, rassembleur. Notez qu'il n'est en rien un privilégié, au contraire. Il devient un héros mais après avoir pris des risques immenses et avoir surpassé tout ce qui était attendu de lui.
Dans le détail, qu'est-ce que la stratégie des alliés ?
Animer les alliés
Logiquement, c'est le coeur de votre action. Les puristes se disputent pour savoir si on doit y consacrer 70%, 80%, 90% du temps de management. Peu importe le chiffre (pas mesurable de toutes façons), ce qui est important c'est qu'à chaque fois qu'on a le choix, on préfèrera une action avec un allié plutôt qu'avec tout autre acteur.
Dans tous projets, les opposants s'expriment spontanément et en premier. Activer la stratégie des alliés c'est avant tout rétablir l'équilibre et proposer un choix aux hésitants et aux passifs.
Mais qu'est-ce qu'animer un allié ?
- Ce n'est pas le privilégier, c'est le challenger.
Un allié ce n'est pas un chouchou ou votre garde rapprochée. Un allié est quelqu'un à qui on fait faire des choses difficiles pour alimenter son récit personnel. Le but de l'animation des alliés c'est qu'il puisse être fier de lui même.
Bref, on ne doit pas vouloir devenir allié pour être protégé par le management mais pour s'accomplir, grandir, apprendre. Etre allié est difficile mais excitant.
D'ailleurs, un allié doit en contrepartie être pris tel qu'il est et pas tel que vous le verriez.
Attention, un héros, un allié comme le Dr House (David Shore – 2004) n'est pas nécessairement un individu sympathique et avenant… Mais vous ferez avec.
- C'est actionner.
Avec un allié, c'est contre-productif d'imposer. Un allié, par définition, s'identifie à votre projet (quand il est +4), ou au moins, a décidé librement de contribuer à sa réussite (quand il est +3). On lui demandera d'agir, on fixera éventuellement un cadre, mais on travaillera à préserver de larges degrés de liberté.
La technique de l'actionnement, pour générer des actions sans imposer est donc primordiale.
- C'est aussi connecter.
Evidemment, il ne faut pas cacher vos alliés. On cherchera systématiquement à associer à un allié, un hésitant ou un passif en espérant que la synergie se propage. C'est la base du Jeu de Go et un levier essentiel d'efficacité.
Nous travaillons beaucoup en binôme pour cette raison, en pensant toujours à associer nos meilleurs alliés avec ceux que l'on veut faire basculer : les hésitants.
- C'est enfin reconnaître.
La reconnaissance est évidemment nécessaire pour préserver les alliés, surtout les +3, qui agissent par choix rationnel. Mais évidemment on attendra que les dragons aient été vaincus.
On évitera aussi la reconnaissance “à l'américaine” (employé du mois par exemple) qui ne marche pas dans tous les secteurs en France. Dans la distribution néanmoins, la culture de la performance individuelle étant bien installée, ça fonctionne généralement.
Faire basculer les hésitants
Les hésitants sont l'enjeu n°1 de la stratégie des alliés. Ils sont à égale distance de vous et des opposants, et sont suffisamment intéressés par le projet pour pouvoir basculer rapidement (au contraire des passifs).
Le capitaine Haddock est un bon exemple d'hésitant : il suit les initiatives et exprime de multiples besoins ou craintes à l'idée d'aller plus loin. Quand Tintin le fait basculer, il devient un allié précieux. Là encore, le mauvais caractère n'est pas le domaine réservé des opposants : les hésitants peuvent avoir un sacré mauvais caractère.
Il y a deux grands types d'actions pour les faire basculer :
- Les actions directes
Vous pouvez tenter de faire basculer un hésitant par votre action directe avec lui. En particulier quand vous avez un acteur clé qui est hésitant : un responsable d'unité de production si vous être directeur d'usine, un leader d'opinion, etc…
Un hésitant exprime explicitement ou non une condition d'adhésion :
(+2 ; -2) A de l'intérêt pour le projet mais y voit des limites. Ses conditions ne sont pas toujours exprimées clairement mais elle existent. On cherchera alors, par l'écoute, à identifier les freins et si possible on les traitera. On cherchera un pied dans la porte par l'actionnement par exemple, pour déclencher le mouvement vers le haut.
(+3;-3) exprime le plus souvent clairement ses conditions d'adhésion mais elles sont par définition difficiles à traiter. La négociation peut être difficile. Parfois il vous faudra renoncer à un élément important de votre projet ou prendre le risque de donner un NON définitif. Ces acteurs sont heureusement rares, et nécessitent généralement votre action directe. Attention aux non-dits et procès d'intention.
- Les actions indirectes
Mais le plus efficace avec les hésitants, c'est de les faire basculer indirectement. Souvent même c'est la seule chose qui marche parce que vous êtes vu comme un militant de votre propre projet et vous manquez donc de crédibilité.
Il faut donc trouver des occasions de les associer à des alliés dont l'antagonisme est aussi fort, ou plus fort que le leur. Ainsi, au lieu de résister à vos efforts de conviction, ils seront attirés par l'exemple de ceux qui ont su agir avec vous.
Agir avec les passifs
Le plus important avec les passifs est de les informer. Le jour où ils décideront d'agir, il serait dommage qu'ils n'agissent pas pour votre projet. Mais attention, un passif n'a, par définition, que peu d'intérêt pour le projet. Il faut donc que la communication vienne à lui. Ne comptez pas sur ses efforts pour aller chercher l'information.
Ensuite on utilisera les techniques efficaces pour sortir de la passivité.
Que faire avec les militants ?
Les militants ne sont pas de bons alliés. Ils ne sont pas crédibles pour les hésitants et les passifs et peuvent faire de nombreuses erreurs parce qu'ils manquent de recul et d'esprit critique. Ils peuvent néanmoins être utiles pour mettre sur la table les sujets brûlants.
Dans Lincoln (Steven Spielberg – 2012), Tommy Lee Jones incarne un parfait militant : Thaddeus Steven. Incapable de convaincre, il est néanmoins utilisé par Lincoln pour ruer dans les brancards et faire exister la menace en cas de non accord.
Il est donc nécessaire d'augmenter leur antagonisme. Pour ce faire, le plus efficace est de les mettre en première ligne et de débriefer avec eux les difficultés rencontrées. S'il est difficile de prévenir les erreurs des militants, il est généralement facile et efficace de les guérir. N'oubliez pas qu'un chevalier devient héros après le combat (la prise de risque) et que si vous empêchez un militant de faire ses expériences et donc ses erreurs, il n'a que très peu de chances de progresser.
Gérer les opposants
Attention, si l'on tâche de limiter le temps passé avec eux, il ne s'agit pas non plus de les exclure. Les éviter à outrance, c'est les pousser inévitablement à la radicalisation.
En revanche, la conviction est inutile : ils ne veulent pas être convaincus, ils ont des convictions opposées. D'ailleurs, vous ne seriez pas convaincus par eux. La parole des opposants est donc essentiellement une source d'information pour vous.
De temps de temps, il peut être nécessaire de répondre aux objections des opposants, mais rarement et avec beaucoup de technique.
Sur la carte des partenaires, le niveau d’engagement est censé se traduire par une prise d’action. le niveau que représente cette action est à déterminer selon vos propres attentes. Le positionnement est issu de votre analyse, de vos attentes et de votre vision. Vous devez associer le projet et les attentes + les réactions / synergie – antagonisme sur la carte des acteurs + stratégie des alliés